L'épidémie de covid-19 permet-elle au salarié d'exercer valablement son droit de retrait ?
Les conditions d'exercice du droit de retrait
En application des articles L 4131-1 et suivants du code du travail, un travailleur peut se retirer d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il doit alerter l’employeur de cette situation. Il s’agit d’un droit individuel et subjectif.
Le droit de retrait doit être exercé de telle manière qu’il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent (article L. 4132-1 du code du travail). Cela implique que le retrait ne peut s’effectuer si le risque concerne des personnes extérieures à l’entreprise, notamment des usagers (circulaire DRT n° 93/15 du 26 mars 1993).
Il convient de souligner que le droit de retrait vise une situation particulière de travail et non une situation générale de pandémie.
L’exposition au virus ne justifie donc pas en elle-même un droit de retrait.
Dans le contexte actuel, dans la mesure où l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le code du travail et les recommandations nationales (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus) visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, qu’il a informé et préparé son personnel, le droit de retrait ne peut en principe pas s’exercer valablement.
En effet, les mesures de prévention, la prudence et la diligence de l’employeur privent d’objet l’exercice d’un droit de retrait qui se fonderait uniquement sur l’exposition au virus ou la crainte qu’il génère.
C’est la position officielle du gouvernement qui a précisé que les conditions d’exercice du droit de retrait n’étaient pas réunies si l’employeur mettaient en œuvre les recommandations du gouvernement, telles que les mesures barrières, équipements de protection, le respect des préconisations concrètes du gouvernement dans ses fiches pratiques etc. (Question-réponses covid-19 du 20 février 2020)
L’appréciation des éléments pouvant faire penser que le maintien du salarié à son poste de travail présente un danger grave et imminent relève, le cas échéant, du juge qui vérifie le caractère raisonnable du motif.
Quelle réaction l’employeur peut-il adopter, s'il estime que l’exercice du droit de retrait d'un salarié est abusif ?
Rappelons qu'aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut être appliquée du fait de l’exercice légitime du droit de retrait. L’employeur ne peut en outre demander à un salarié qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent.
A l'inverse, si l’exercice de ce droit est manifestement abusif, une sanction disciplinaire et/ou une retenue sur salaire pour inexécution du contrat de travail peut être effectuée. L’exercice illégitime de ce droit ne caractérise pas l’existence d’une faute grave mais peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Ces dispositions s’exercent le cas échéant sous le contrôle du juge.
Qu’est-ce qu’un danger grave et imminent ?
Un salarié peut valablement cesser toute activité et se retirer d’une situation de travail, dès lors qu'il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
La loi ne définit pas le danger grave et imminent et l'analyse s'effectue nécessairement au cas par cas.
Peut être considéré comme « grave » tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée. Un danger est « imminent » quand il peut se réaliser brusquement et dans un délai rapproché. (Circ. DRT 1993-15 du 26 mars 1993)