Je suis informé d’un harcèlement moral dans mon entreprise, que dois-je faire ?
Qu’est-ce que le harcèlement moral ?
L’article L 1152-1 du code du travail définit le harcèlement moral d’un salarié comme des « agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Ces agissements, par leur répétition, dégradent les conditions de travail et sont susceptibles d’entraîner :
- une atteinte aux droits du salarié ;
- une atteinte à sa dignité ;
- une altération de sa santé physique ou mentale ;
- une mise en danger de son avenir professionnel.
La loi ne définit pas précisément la nature des agissements ni les situations susceptibles d’entraîner de telles conséquences.
En pratique, on peut légitimement recenser plusieurs grands axes, étant rappelé que les agissements ainsi envisagés ne doivent pas être isolés :
- agissements visant à empêcher le salarié de s’exprimer ;
- agissements visant à isoler la personne ;
- agissements visant à déconsidérer un individu auprès de ses collègues ;
- agissements visant à discréditer le salarié dans son travail.
Cette liste permet de cerner les éléments constitutifs du harcèlement moral, mais elle ne saurait être considérée comme exhaustive.
Outre le fait d'un supérieur hiérarchique envers son subordonné (harcèlement vertical), le harcèlement peut aussi être exercé entre collègues n'ayant pas de rapport hiérarchique (harcèlement horizontal).
Peu importe l’intention de nuire de son auteur, il suffit que la situation soit susceptible de porter atteinte aux droits du salarié, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’obligation de sécurité de l’employeur
L’employeur est tenu à une obligation de sécurité en matière de protection des salariés.
Cette obligation découle notamment des articles L 4121-1 et suivants du code du travail.
L'obligation de sécurité de l’employeur ne se limite pas à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle concerne tous les risques auxquels le salarié peut être exposé au travail, y compris les risques psychosociaux, dont le harcèlement moral.
L’employeur doit ainsi prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral dont il a connaissance. Il dispose d’une totale liberté dans le choix des moyens à mettre en œuvre.
La passivité de l'employeur peut être sanctionnée dès lors que des faits de harcèlement moral ont été portés à sa connaissance et qu’il n’a pas utilisé des moyens suffisants pour les faire cesser.
Ainsi, un employeur qui est informé d’une situation de harcèlement moral dans son entreprise doit rapidement et efficacement réagir, au risque de voir sa responsabilité engagée et d'être contraint de verser des dommages et intérêts au salarié.
Un avocat peut vous conseiller dans vos démarches afin de prévenir tout risque judiciaire.
Les mesures réglementaires
Dans les entreprises et les établissements de vingt salariés et plus, les dispositions relatives au harcèlement moral dans les relations de travail doivent obligatoirement figurer dans le règlement intérieur. Ces dispositions doivent complémentairement être affichées sur le lieu de travail.
La gestion des plaintes de harcèlement moral
Comme nous l’avons évoqué, l’obligation de sécurité impose à l’employeur de réagir dès que des faits susceptibles de constituer une situation de harcèlement moral sont portés à son attention.
Etablir une procédure claire destinée à recevoir et à enquêter objectivement sur les faits dénoncés est un gage de réussite de la prévention et permet de limiter considérablement les risques de condamnation.
Dès lors que vous êtes informé d’une situation de harcèlement, nous vous conseillons de convoquer immédiatement et par écrit le salarié concerné à un entretien, afin de recueillir précisément ses explications.
Il est évident qu'une situation de harcèlement moral peut se traduire par une multitude d'actes différents et le plus souvent subjectifs, ce qui rend parfois complexe l’examen d’un cas.
Le harcèlement moral peut ainsi être confondu avec un simple mal-être ressenti à cause de conflits ponctuels ou des mésententes passagères, de la fatigue, des comportements maladroits, des difficultés personnelles et même dans le cadre de l’exercice normal du pouvoir disciplinaire.
L’employeur est donc confronté à une réelle difficulté : comment percevoir de l’extérieur une situation de harcèlement moral ?
C’est l’étude des faits précis et objectifs et non exclusivement du ressenti qui permet de définir dans les meilleures conditions possibles une situation réelle de harcèlement.
Recevoir et entendre la personne désignée comme auteur du harcèlement moral est également un moyen d’améliorer la perception de la situation.
De par son expérience, votre avocat peut vous aider à réagir convenablement.
En tout état de cause, toute démarche de l’employeur en vue d’enquêter et de faire cesser les agissements dénoncés doit faire l’objet d’un formalisme rigoureux.
L'enquête
Mission de l'employeur ou d'un délégué désigné :
Les obligations en matière de prévention et d’intervention dans le domaine du harcèlement à l'occasion du travail appartiennent essentiellement à l’employeur. Ce dernier peut parfaitement décider de déléguer toute ou partie de la mission d'enquête.
Considérant l’expertise pointue indispensable au traitement des plaintes de harcèlement, il serait mal avisé de confier une telle mission à une personne ou un comité peu expérimenté en la matière, et ce quel que soit son apport indéniable sur tout autre aspect de la gestion interne de l'entreprise.
De la même manière, un mandat d’enquête ne peut être valablement confié à une personne qui supervise directement ou indirectement les parties concernées, au risque de créer une véritable confusion qui pourrait remettre en cause la qualité de l'enquête réalisée.
Possibilité et intérêt d'une enquête diligentée par un tiers exterieur à l'entreprise :
Faute de disposer des ressources requises pour effectuer une enquête sérieuse, une entreprise tirera profit de l’expertise d’une tierce personne spécialisée et impartiale. C’est aussi une bonne façon de prévenir toute situation d’apparence de conflit d’intérêts et de garantir une enquête neutre et rigoureuse.
A noter que l’employeur conservera toujours son pouvoir décisionnaire dans l'éventuelle mise en oeuvre des mesures de redressement et/ou de sanction qui s’imposeront peut-être en fonction des résultats de l'enquête.
Les cabinet d'avocats peuvent parfaitement être mandés par une entreprise pour réaliser une enquête portant sur d'éventuels actes de harcèlement moral au sein de cette entreprise. L'enquête menée par le cabinet d'avocats visera à faire ressortir des éléments permettant de corroborer ou non l'existence d'actes constitutifs de harcèlement moral. Ce cabinet d'avocats pourra dans ce cadre procéder à l'audition des salariés de l'entreprise, y compris celui qui s'est plaint auprès de son employeur d'un harcèlement ainsi que les personnes mises en cause. Un rapport d'enquête sera communiqué à la Présidence qui jugera ensuite des réactions nécessaires.
En dehors du cas où l'avocat est missionné comme expert, l'avocat chargé d'une enquête interne peut-être l'un des avocats habituels de l'entreprise conformément à l'article 1.1 RIN. Il remplira sa mission avec l'indépendance qui est celle de tout avocat.
Les grandes étapes d'une enquête pour harcèlement :
Le rôle du médecin du travail
Le médecin du travail a un rôle prééminent dans la prise en charge du harcèlement moral au travail :
• Il peut alerter l'employeur d'une situation et engager le dialogue sur les conditions de travail générant des difficultés.
• Il peut évoquer ces difficultés avec les représentants du personnel et l'employeur, afin d'améliorer l’information sur les problèmes de violence au travail.
• Il peut donner un avis d'inaptitude au poste de travail au cours d'un examen pour faire cesser une situation qu'il juge dangereuse pour la santé du salarié.
Les sanctions encourues par les auteurs
Tout salarié du secteur privé ayant commis des agissements de harcèlement moral est passible de sanctions disciplinaires, civiles (dommages-intérêts) ou pénales (délit prévu par l’article 222-33-2 du code pénal et puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende).